«La finance doit devenir un bien public mondial régulé par l’ONU»

Sur le diagnostic, le Forum social mondial de Belém est unanime: le système financier a démontré sa faillite et demande une refonte totale. A l’origine des crises écologique, énergétique, alimentaire ou sociale, il doit être reconstruit en s’orientant vers une société égalitaire à tous les points de vue, plaide-t-on à Belém. Dans des tentes plus ou moins aérées ou confinés dans des salles étouffantes, les participants ont entamé leur travail de réflexion. «Le FSM doit dépasser le stade de la contestation. Les gens veulent des réponses concrètes, pas des idéologies», explique le Brésilien Antonio Martins, l’une des figures du forum.

L’Espagnole Marta Ruiz exige que la finance redevienne un bien public. «Faire de l’argent avec de l’argent virtuel a provoqué l’explosion de la bulle financière», rappelle cette membre du Réseau européen sur la dette et le développement (EURODAD). Or ce sont les contribuables qui paient la facture, via les plans de sauvetage des banques et l’accroissement des dettes publiques qu’ils entraînent, a-t-il été souligné dans un séminaire modéré par Marta Ruiz.

«Les Etats doivent reprendre le contrôle des banques afin qu’elles investissent dans l’économie réelle et durable, comme le font déjà des instituts financiers éthiques», insiste-t-elle. «Les fonds de pension devraient être retirés des institutions vendant des produits toxiques», a lancé un intervenant. «Une licence sociale pourrait être délivrée, qui comprendrait aussi l’exigence de transparence dans les investissements faits à partir de l’argent des déposants», reprend Marta Ruiz.
«Les mécanismes financiers sont si complexes que même les spécialistes ne les comprennent plus, fustige Jersen Christensen, directeur du secrétariat international du Réseau pour la justice fiscale. Ils sont fondés sur une économie de l’ombre diabolique en grande partie responsable de la crise.»

Son organisation souligne que 70% des transactions financières des institutions proposant des hedge funds sont basées dans des paradis fiscaux, sans aucune possibilité de contrôle. Jersen Christensen a aussi exigé que l’incitation à l’évasion fiscale soit considérée comme une pratique de corruption.

Directeur de la branche suisse du réseau, Bruno Gurtner demande des standards comptables internationaux: «Les multinationales doivent boucler des comptes précis et transparents pour chaque pays dans lequel elles ont des filiales. Ainsi, les bénéfices ne pourront être transférés dans des paradis fiscaux.»

Miser sur la coopération fiscale et la transparence demande un renforcement des organismes de régulation et des règles strictes. Pour cela, des mesures doivent être prises contre l’infiltration des lobbies de la finance parmi les décideurs politiques, demande un intervenant.
Plus généralement, on aspire à Belém à une démocratisation de la gouvernance mondiale. «La crise révèle la fin de l’hégémonie des USA et des pays du G7, contestée par le reste du monde, indique Oscar Ugarteche, d’un réseau latino-américain sur la dette, le développement et les droits (LATINDADD). «Avec tous ses défauts, l’ONU est le seul espace démocratique pour gérer le problème de la finance au niveau global», reprend Marta Ruiz. La société civile doit donc se faire entendre dans cette enceinte et elle se mobilisera en vue de la réunion du G20 sur la crise en avril, lance un militant.

L’effondrement du système économique s’explique par la course au profit, qui creuse les inégalités en défaveur du Sud, des travailleurs, des migrants, des femmes, ont relevé de nombreux participants. «Nous ne sommes pas contre le marché, qui a toujours existé, mais nous refusons qu’il soit à la base de l’organisation de la société, précise Antonio Martins. Nous devons trouver des moyens pour que celle-ci soit fondée sur la logique sociale et des droits.» L’accès à l’eau ou à Internet devrait être découplé de la capacité à le payer, souligne-t-il par exemple.

Pour se rapprocher des Objectifs du Millénaire de l’ONU, des taxes globales pourraient être instaurées. Minimales, elles offriraient d’importantes ressources, avance Marta Ruiz. Sans freiner l’activité économique, elles contribueraient à lutter contre la spéculation ou le réchauffement climatique. Et d’énumérer plusieurs pistes, pas nouvelles: taxes sur les transactions financières, sur les transports, les carburants…

En vue d’une justice climatique, l’Argentine Maite Llanas, de la Confédération syndicale des Amériques, insiste sur la nécessité de la transition vers une économie verte qui ne freine pas le développement légitime du Sud. Progressive, elle doit se réaliser en accompagnant les travailleurs. Or l’investissement dans l’isolation des bâtiments, dans les énergies renouvelables ou dans les transports publics est générateur d’emploi.

Dimanche, la «Journée des Alliances» sera l’occasion, est-il espéré, de trier les revendications les plus pertinentes et mobilisatrices issues du FSM.I