Pas de grand-messe altermondialiste cette année, c’est sous la forme de manifestations locales que se déroule le 8ème Forum social mondial. Pour faire face aux nouveaux défis de la mondialisation, trouver des alternatives au libéralisme, les sujets de débat ne manquent pas.
Radio Gazelle a invité lundi dernier sur son antenne, Jelloul Ben Hamida, membre du comité de suivi du Forum social maghrébin (FSM) de Marseille, Hadjira Lakhal Braffman de l’association des femmes de Fran-Moisun et Hamid Aït Amara, membre du Forum social algérien (Alger), pour en discuter.
« Mais avant de se plonger sur le continent africain, rappelons la démarche de ces forums sociaux », propose Jacques Soncin, animateur de l’émission. « Impliquer des mouvements sociaux locaux, des syndicats, des associations dans une réflexion globale altermondialiste », voilà le but de ces forums, explique Jelloul soulignant que cette décentralisation est obligatoire.
« Il est important que tous soient représentés. La société civile doit pouvoir s’exprimer et ces forums locaux constituent un espace de rencontres de militants, de citoyens pour réfléchir aux alternatives possibles face aux stratégies libérales », ajoute Jelloul. « Des stratégies dont on a encore un exemple avec la décision du CSA de ne pas reconduire l’autorisation d’émettre de Radio Gazelle, au profit d’un projet commercial parisien », rappelle Jacques Soncin.
L’idée d’un Forum social maghrébin est née en 2004 en marge de la tenue du Forum social marocain de Rabat. Depuis, le projet a mûri et en janvier 2006, plus de 700 personnes, « des copains de Tunisie, d’Algérie », se sont réunis à Bouznika au Maroc pour évoquer la situation du Maghreb et tenter de construire un « Maghreb des peuples ».
Bâtir un espace social maghrébin pour instituer des politiques communes, poser des bases économiques pour des échanges, voilà l’objectif défini. « C’est une urgence de construire un projet sociétal pour cette région du monde. Il faut se rencontrer pour trouver des solutions pour vivre dans l’égalité et la prospérité », souligne Hamid.
Pour ce professeur d’économie, il faut continuer à organiser ce genre de rencontres, même si ce n’est pas simple. Hamid parle notamment de la difficulté pour trouver des lieux à Alger qui acceptent d’accueillir les participants. Pourtant malgré les entraves, le Forum social algérien existe déjà depuis quatre ans. « Il est difficile de lutter contre les régimes autoritaires, il faut alors s’unir pour lutter contre ces gouvernements, pour répondre aux besoins sociaux et de paix et imaginer ensemble d’autres formes d’organisation », lance Hamid.
Jacques Soncin n’a aucune peine à relancer le débat. Les sujets à aborder lors de ces forums ne manquent pas : liberté d’expression et d’association, liberté de la presse, l’avenir de la jeunesse. Toutes ces questions sont au cœur de la réflexion altermondialiste « qui peuvent avoir un rôle dans la réinstauration de la démocratie », reprend Jelloul.
La problématique des femmes est aussi essentielle rappelle Hadjira : « Il faut s’interroger sur le fait que de plus en plus de femmes viennent seules en France, s’intéresser au statut personnel des femmes, par exemple au code de la famille en Algérie. » Cette loi du 9 juin 1984 octroie aux femmes depuis plus de 20 ans, le statut de mineur et dénie toute égalité entre les deux sexes, notamment en matière de mariage et divorce.
Toutes ces luttes passent par la convergence de ces mouvements sociaux, de ces associations mais aussi par l’intégration d’immigrés dans ce FSM, pour faire exister cette entité maghrébine qui n’existe de fait que de ce côté de la Méditerranée. Hamid regrette qu’il y ait si peu d’échanges économiques, politiques, sociaux entre les pays du Maghreb. « Dans ces pays, être maghrébin ne fait allusion à aucun sentiment d’appartenance commune, cette idée n’existe pas. Les immigrés découvrent cette notion dans leur pays d’accueil, ce dernier ne faisant souvent pas la distinction entre les différents habitants du Maghreb. Ils intègrent souvent plus naturellement ce sentiment et peuvent alors l’influer dans ces forums locaux ».
L’altermondialisme semble pouvoir ainsi servir de passerelle entre le pays d’origine et celui d’accueil. Pendant la pause, au son d’une chanson sur le Che Guevara, les alters maghrébins se demandent alors ironiquement s’ils ne devraient pas parler aussi de l’esclavage, de la colonisation ou de « l’immigration choisie » !
Entre mondialisme et altermondialisme, les trois invités rappellent qu’il ne s’agit pas d’une course entre les deux, mais plutôt d’une réflexion à instaurer sur toutes les possibilités qui s’offrent à nous pour un meilleur vivre, tous ensemble. Rendez-vous dans un an, pour tirer les premières pistes de réflexion de ce premier Forum social maghrébin qui devrait se tenir au Maroc, là où il a puisé ses premières inspirations.