De Seattle à Nairobi, la politique d’en bas

Si le Forum économique mondial de Davos rejoue depuis plus de trente ans la carte de la mondialisation par le haut, le Forum social mondial (FSM) entrouvre depuis sept ans les portes de la mondialisation vue d’en bas. Il n’est que la partie visible de l’iceberg d’une «société civile citoyenne» qui se structure dans le désordre. Depuis ses premières émergences médiatiques comme à Seattle en 1999, lors du fiasco de l’Organisation mondiale du commerce, en passant par les contre-sommets du G8, des expériences se concrétisent tous les jours sur le terrain, de plus en plus dans le Sud.

Résultat, si demain, les FSM devaient s’étioler, le fond demeurerait. Autour d’un constat : les résistances traditionnelles comme les alternatives innovantes infirment la Tina ( there is no alternative , «il n’y a pas d’alternative») chère à Thatcher. Le FSM n’est qu’un des satellites d’une société civile avide de faire de la politique autrement, et qui a poussé à l’accélération de nouvelles régulations. Mineures, certes, mais emblématiques.

L’accès aux soins pour deux millions de malades du sida n’aurait pas été aussi rapide sans la coalition d’ONG et d’associations de malades. L’instauration d’une taxe internationale (sur les billets d’avion) aurait été un voeu pieux sans les croisés d’une fiscalité d’aide au développement. Le droit imposable au logement tiendrait sans doute du mirage sans la longue marche de sans-droits, des sans-voix, des No-Vox.

Les débats mis sur la table qui ont produit des résultats, amorcé des remises en cause ou forcé des agendas sont nombreux : il y a le doublement en cinq ans de l’aide publique à l’Afrique et le début d’annulation de dette. Il y a la restructuration et la radicalisation des syndicats mondiaux alliés d’une diplomatie non gouvernementale. Il y a les critiques de plus en plus fortes sur les profits indécents des multinationales et de leurs patrons. Il y a les agendas sur les changements climatiques, la biodiversité, le développement durable, le commerce équitable, la souveraineté alimentaire, les OGM, la démocratie participative, les délocalisations, le rôle des migrants, etc.

A défaut d’avoir imposé un autre monde possible, la lancinante question du débouché politique ne se pose plus de la même manière depuis la vague rose-rouge en Amérique latine. Peut-on faire le lien entre le premier FSM de Porto Alegre de 2001 et l’intronisation à la tête du Brésil d’un ex-syndicaliste ? Entre le poids des coalitions antidette comme Jubilee et l’intronisation comme président de l’Equateur d’un de ses ex-militants ? Entre le réveil des minorités indigènes et des exclus et la prise de pouvoir en Equateur d’un Indien? Entre le vent d’anti-impérialisme et la critique de l’unilatéralisme américain et la doxa du bolivarisme au Venezuela? Parallélisme ne signifie pas convergence. Mais l’éventail des gauches sur le continent-laboratoire est à l’image de celui qui s’agite dans les FSM. Et, au-delà, dans la plupart des organisations d’une société civile en quête des droits réels pour tous.

Deixe uma resposta

O seu endereço de e-mail não será publicado. Campos obrigatórios são marcados com *