Isolationniste, Donald Trump ? Quatre mois après son entrée en fonction, le président des États-Unis, Donald Trump a, dans la nuit de jeudi à vendredi, ordonné des frappes sur la Syrie. 59 missiles Tomahawk, tirés par deux navires états-uniens, l’USS Porter et l’USS Ross qui se trouvent actuellement en mer Méditerranée orientale, ont frappé une base militaire syrienne, dans la région de Homs.
Selon le Pentagone, c’était de cette base que sont partis les avions qui ont bombardé Khan Cheikhoun. Suite à ces bombardements mardi, des émanations chimiques avaient fait au moins 86 morts, dont de nombreux enfants. Les États-Unis, la France et l’opposition syrienne avaient directement mis en cause le régime de Bachar Al-Assad parlant d’utilisation d’armes chimiques. Moscou a contesté cette version. Pour la Russie, s’il y a bien eu bombardement de l’armée syrienne, c’est sur un entrepôt tenu par les « rebelles » où étaient stockées des armes chimiques.
Le porte-parole du Pentagone, Jeff Davis a fait valoir ce vendredi que la base attaquée avait abrité une partie de l’arsenal chimique syrien avant son démantèlement en 2013.
L’attaque a fait des victimes, selon le gouverneur de Homs, Talal Barazi, contacté par l’AFP. « Il y a des martyrs, mais nous n’avons pas encore de bilan ni pour les martyrs ni pour les blessés », a-t-il déclaré par téléphone à l’agence. L’agence de presse syrienne, Sana a, cette nuit, qualifié les faits « d’agression américaine » qui « vient après la campagne médiatique de dénigrement menée par des pays (…) après ce qui s’est passé à Khan Cheikhoun ».
L’opération militaire de cette nuit a reçu l’appui d’Israël qui a fait connaître son soutien « total » au « message fort » du président des États-Unis. La coalition de l’opposition a « salué » l’attaque de cette nuit et dit espérer « la poursuite des frappes ». Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères françaises a dit avoir été « informé par Rex Tillerson », le chef de la diplomatie états-unienne cette nuit, des frappes. Il a estimé que celles-ci étaient une « sorte de condamnation » du « régime criminel » de Bachar Al-Assad.
La décision du président Donald Trump risque fort d’accroître les tensions et de jeter de l’huile sur le feu dans la région. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Conseil de sécurité des Nations-Unies n’est pas parvenu à se mettre d’accord sur une résolution sur la manière de répondre aux faits de Khan Cheikhoun. Vladimir Poutine, avait, depuis Moscou, jugé « inacceptable » d’accuser le régime de Damas sans preuves. Les Russes, qui ont été mis au courant de l’attaque par ligne sécurisée afin d’éviter tout heurt, avaient fait savoir aux États-Unis qu’une attaque pourrait avoir « des conséquences négatives », selon les termes de leur ambassadeur à l’ONU. « Regardez l’Irak, regardez la Libye », avait-il averti.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a informé vendredi matin que le président Vladimir Poutine estimait que l’attaque de cette nuit était « une agression contre une nation souveraine », conduite « en violation de la loi internationale, et également sous un prétexte inventé. Dmitri Peskov assure que « l’armée syrienne n’a pas d’armes chimiques », ce qui a été « observé et confirmé par l’Organisation pour la prohibition des armes chimiques, une unité spéciale de l’ONU ».
L’attaque des États-Unis, tout comme celle de Khan Cheikhoun, vont, encore une fois éloigner les belligérants de la table des négociations de Genève et d’Astana. C’est dans ces cadres qu’ont été décidés les cessez-le-feu. Alors qu’un nouveau vote est programmé, ce vendredi à l’ONU, les grandes puissances, au lieu de réagir avec une indignation seraient sages de promouvoir la voie du dialogue, certes la plus difficile et la plus tortueuse, mais la seule à protéger réellement les civils.
Gaël De Santis, L’Humanité