Sophie Chapelle – Bastamag – Un nouveau mastodonte contrôlant toute la chaine agricole est né. Le 7 juin, le groupe chimique et pharmaceutique allemand Bayer prévoit de conclure l’acquisition de la multinationale américaine Monsanto, pour 63 milliards de dollars (54 milliards d’euros) [1]. Cette intégration fait de Bayer le numéro un mondial des semences et pesticides, devant ChemChina et DowDupont.
La nouvelle entreprise annonce également qu’elle conservera uniquement le nom Bayer. Celui de Monsanto ne sera à l’avenir plus utilisé. Bayer tente ainsi d’effacer son histoire des plus controversées : de l’agent orange, défoliant ultra toxique déversé par l’armée américaine sur les forêt vietnamienne pendant la guerre – et fabriqué notamment par Monsanto – au pesticide cancérigène Roundup, sans oublier les OGM. Si l’histoire de Monsanto se dilue dans Bayer, quid des procédures juridiques qui visent l’ancienne multinationale ?
« On ne sait pas encore vraiment si les procès contre Monsanto vont trouver suite, répond l’avocat François Lafforgue. Il y a tout de même de fortes chances que Bayer hérite de la responsabilité juridique, confie t-il à l’Obs [2]. Nous allons devoir éplucher les documents de l’entreprise pour savoir si la personnalité juridique survit à la vente. La fin de cette responsabilité est une crainte que nous avons tous, notamment les victimes. »
En France, le procès le plus emblématique est celui du céréalier charentais Paul François contre Monsanto. Après avoir subi en 2007 une intoxication aigüe en manipulant du Lasso, herbicide fabriqué par la firme, l’agriculteur décide de porter plainte contre la société pour insuffisance d’information au niveau de l’étiquetage concernant la dangerosité de l’herbicide. Cette bataille judiciaire dure depuis plus de dix ans (voir ici). En octobre 2017, les parents d’un enfant ayant subi de graves malformations, Sabine et Thomas Grataloup, ont également annoncé leur intention de porter plainte contre Monsanto. Ils jugent le désherbant RoundUp, à base de glyphosate, responsable du handicap de leur fils Théo. La mère, croyant à l’innocuité du produit, vantée par la publicité, y a été fortement exposée pendant sa grossesse [3].
Des milliers de plaintes aux États-Unis
Rien qu’en 2017, les services de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) ont été saisis de plus de 2700 plaintes émanant d’agriculteurs qui dénoncent les effets destructeurs sur leurs récoltes du Dicamba, un nouvel herbicide mis au point par Monsanto [4]. Des « class actions » concernant cet herbicide sont également en cours [5]. Quelque 4000 autres plaignants poursuivent également Monsanto, considérant que l’exposition au RoundUp les a amenés, eux ou leurs proches, à développer un lymphome non hodgkinien, une forme de cancer [6].
Lors de l’assemblée générale de Bayer le 25 mai à Bonn, des actionnaires ont posé des questions sur ces milliers de plaintes en cours contre Monsanto devant les tribunaux des États américains. Un premier procès dans le cadre des litiges entourant le RoundUp est prévu le 18 juin devant la Cour supérieure du comté de San Francisco. DeWayne Johnson, employé en tant que jardinier d’une école, est aujourd’hui atteint d’un lymphome non-hodgkinien. Il poursuit la multinationale pour avoir passé des décennies à cacher les dangers cancérigènes de son herbicide [7]. Si le nom de l’entreprise américaine Monsanto disparaît, ce ne sera pas le cas de ses produits comme le RoundUp qui restent disponibles sur le marché… avec leur terrible lot de conséquences environnementales et sanitaires.
Photo : manifestation contre Monsanto en 2013 à San Francisco / CC
Donna Cleveland
Notes
[1] Voir le communiqué du groupe Bayer
[2] Voir l’article ici
[3] Voir notamment cet article
[4] Voir cette dépêche de Reuters
[5] Voir ici
[6] Source
[7] Voir cet article. Le 17 mai, le juge Curtis Karnow a rendu une ordonnance autorisant les jurés à considérer non seulement des preuves scientifiques liées à ce qui a causé le cancer de Johnson, mais également des documents selon lesquels Monsanto aurait supprimé les preuves de la nocivité de ses produits.