La société civile, acteur majeur de la transition démocratique en Tunisie
Depuis la chute du régime Ben Ali, c’est la première fois qu’une telle manifestation accueille plusieurs centaines de personnes : invités étrangers (Espagne, Belarus, Russie, Egypte, Maroc, Pérou, etc.), experts internationaux, représentants officiels du gouvernement tunisien et des institutions européennes, membres des organisations de la société civile tunisienne, ont débattu pendant deux jours des conditions d’une transition démocratique réussie.
Les objectifs de ces deux manifestations étaient triples : confronter les expériences vécues à l’étranger lors des transitions démocratiques, définir le cadre de cette transition en Tunisie et, enfin, évaluer et préciser le rôle et les besoins de la société civile de Tunisie. Les travaux qui se sont déroulés montrent l’adhésion sans réserve à quelques principes qui réunissent l’Humanité tout entière et qui ne sont pas différents selon les continents ou les rives de la Méditerranée.
Ces principes sont essentiellement :
* La prééminence constitutionnelle des normes internationales qui doivent recevoir une application directe dans le droit interne.
* Une loi électorale qui permette un scrutin loyal et sincère et qui autorise à la fois la formation d’une majorité et la représentation des minorités politiques.
* Une constitution qui assure la protection de toutes les libertés, et une égalité réelle entre les individus et entre les sexes, y compris en prenant en ce dernier domaine des mesures de rééquilibrage.
* Le respect de la liberté absolue de conscience, ce qui implique l’indépendance de la sphère publique à l’égard de la norme religieuse sans pour autant nier l’existence du fait religieux lui-même.
* Une justice indépendante et égale pour tous.
* Une presse libre de rapporter les faits et d’exprimer des opinions, et indépendante des groupes d’intérêts notamment financiers.
* Une organisation économique et sociale qui assure l’accès de tous aux besoins fondamentaux et à la justice sociale.
Pour aller vers ces objectifs, la société civile tunisienne ne prétend pas être le seul acteur de cette transition. Parce qu’elle a mené, avec d’autres, la résistance contre la dictature, parce qu’elle exprime la diversité et la richesse du peuple tunisien, elle occupe une place essentielle. Elle entend participer au processus en cours et y porter ses valeurs d’indépendance, de démocratie, de liberté, d’égalité et de justice sociale. Mais elle n’a pas pour but de se substituer aux partis politiques qui ont, eux, vocation à construire des projets politiques entre lesquels le peuple devra arbitrer.
Pour jouer pleinement son rôle, la société civile tunisienne a des besoins matériels à la mesure des attaques dont elle a été victime sous le régime précédent. C’est pourquoi nous lançons un appel aux contributions de la communauté internationale, notamment de l’Union Européenne. Cette aide doit s’inscrire dans les choix de la société civile tunisienne et non les dicter, et avoir une ampleur suffisante pour permettre un réel travail en profondeur.
Il faut en effet reconstruire un tissu social fait de dialogue, de fermeté sur les principes, mais aussi d’ouverture. La société civile tunisienne doit s’ouvrir aux hommes et aux femmes de toutes les conditions sociales, de toutes les régions du pays et de toutes les générations, notamment la jeunesse d’aujourd’hui qui a su spontanément exprimer son désir de liberté et de dignité.
Ce séminaire et ces ateliers sont le début d’un mouvement que nous voulons plus large et plus fort. Il devra donner à chacun les moyens d’exercer pleinement sa citoyenneté. Il devra faire en sorte que personne ne se sente jamais plus rejeté, et que tous trouvent dans le processus en cours l’espoir d’une société démocratique toujours plus juste, plus libre et fraternelle.