Et bien dansez maintenant. La marche d’ouverture du Forum Social Mondial 2011

Traduit par Thomas Ruiz

Photos: Hilde C. Stephansen / Ciranda

Le Forum Social Mondial 2011, a officiellement débuté, après plusieurs jours de sessions informelles et préparatoires à la convention biannuelle, par une marche qui a scellé les espoirs de succès et l’excitation qui frémissait ces derniers jours dans la capitale sénégalaise. Une marée humaine diverse et variée a déferlé dans les rues entre le siège de la télévision nationale et l’avenue centrale du campus universitaire. La marche d’hier était accompagnée de tout ce qui caractérise les marches les plus exaltantes. Une synthèse bigarrée de campagnes, de luttes, d’exigences, de slogans, d’idéaux, de visions, de déclarations composant le réseau planétaire des altermondialistes. Ce qui produisait une large palette d’émotions et un véritable bouleversement des sens. D’aucuns disent que nous étions 50 ou bien même 60 000.

D’anciens collègues ou amis, partenaires ou inconnus se rencontrent en tombant dans les bras les uns des autres pour se retrouver éventuellement plus tard ou rencontrer d’autres personnes. Nous marchons au milieu d’une foule toujours plus dense un peu après 13 h et la musique qui nous accueille fait vrombir ses décibels au milieu des drapeaux. Les pancartes sont tenues sur les épaules, les banderoles sont exhibées fièrement sous le regard des photographes et cameramen présents de tous côtés qui ne ratent rien du spectacle. J’ai pris moi aussi une caméra qui tourne silencieusement sans interruption, posée dans ma main. Elle passe d’un groupe de syndicalistes marocains à des enfants des rues qui lèvent les yeux vers cet étrange rassemblement de personnages en provenance du monde entier, en passant par des agricultrices sénégalaises. Il y a aussi des dizaines d’enfants vêtus de T-shirts naïfs qui défilent contre la maltraitance, pour réclamer le droit de grandir dans un environnement sûr, de recevoir un enseignement et d’être formés jusqu’au jour où il s’agira de trouver un travail. On trouve des syndicats italiens, l’association française Attac, l’organisation belge CADTM, la CUT brésilienne et la Vía Campesina, trouée verte dans le flot incessant de femmes, hommes et enfants descendant les rues de Dakar. Direction : la monumentale bibliothèque au cœur du campus de l’Université Cheikh Anta Diop.

La musique et les danses nous accompagnent sous le soleil étincelant. Les peaux sensibles commencent à se colorer façon écrevisse. Je rencontre des militants indiens le long du parcours et je mange une orange avec un universitaire belge ; suivant cette rivière humaine qui serpente, j’avance aux côtés de journalistes et d’universitaires finlandais, d’experts allemands des échanges internationaux et de cinéastes indiens. Sur le parcours, je parviens à repérer, du haut du terre-plein central surélevé qui sépare les deux voies de cette large avenue, un groupe de femmes égyptiennes rencontrées plus tôt à proximité des locaux de la télévision nationale, point de départ de la manifestation. Plus bas et se rapprochant, le contingent de la HIC (Habitat International Coalition) et de vieux amis. Ils me parlent des journées d’assemblée générale et des événements à venir dans les quartiers de Dakar où le droit au logement est remis en cause, les moyens de subsistance déniés, où la lutte s’intensifie et où les combats à mener pourront augurer de meilleurs lendemains. Auprès du contingent de HIC se trouvent des amis de Witness, militants vidéastes et des droits de l’Homme engagés pour les droits au logement et à la vie dans la cité. Plus bas encore, j’aperçois l’Assemblée mondiale des habitants (IAI), suivie de près par la Marche mondiale des femmes et par l’organisation des Femmes pour la paix de Casamance.

Lorsque nous entrons dans le campus par les chambres d’étudiants situées en façade des bâtiments de la faculté, des auditoriums et des installations sportives, des dizaines de personnes nous saluent en faisant la ola aux balcons et la musique se fait entendre de tous côtés. À hauteur du rond-point de la bibliothèque, nous prenons à droite pour nous retrouver face à la mer, au soleil et à la scène installée au bout de l’avenue. Quelqu’un se tient sur scène, visible à une centaine de mètres et un vieil ami indien rit devant ce spectacle sans son. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il aurait été utile de prévoir des haut-parleurs le long du parcours pour que tout le monde puisse participer. Nous finissons par découvrir que c’est le président bolivien Evo Morales qui est posté sur scène réalisant une intervention relativement longue, sans que personne sur l’avenue ne veuille ou ne puisse y prêter attention, tant les gens sont pris dans les danses rythmées par les batucadas, les chants des enfants, les sound-systems diffusant du ragamuffin et les djembés qui font tourner la tête, d’autant que de la musique provient également de la scène. De la samba de Salvador da Bahia, cadeau de Petrobras, la société brésilienne. Et ça n’est que le début.

Aujourd’hui, les activités du forum tourneront autour de la Journée de l’Afrique et de la diaspora. 196 activités empliront les halls, les auditoriums et les tentes réparties sur le vaste campus et qui sont parfois difficiles à trouver. Mais tel est le forum, alors que la chasse au trésor commence : elle peut ou non nous mener à l’endroit précis où l’événement auquel nous souhaitions assister a lieu, mais si tel n’est pas le cas, mille nouvelles rencontres peuvent éclore.

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