Si la proportion de femmes parlementaires dans le monde a presque doublé ces 20 dernières années, une action politique concertée et ambitieuse s’impose néanmoins à l’échelon planétaire pour accélérer la progression vers l’égalité. Voilà le point de vue que défend l’Union interparlementaire (UIP).
Depuis 1995 et l’adoption Programme d’action de Beijing sur l’émancipation des femmes, la moyenne mondiale des femmes au Parlement est passée de 11,3 à 22,1 pour cent. Les parlementaires femmes ont gagné du terrain dans près de 90 pour cent des 174 pays pour lesquels l’UIP dispose d’informations.
A première vue, ces chiffres, qui ressortent de l’analyse que l’UIP publie chaque année sur l’évolution de la représentation des femmes dans les parlements en vue de la Journée internationale de la femme le 8 mars, et qui donne cette année une vue d’ensemble des progrès et reculs enregistrés depuis l’adoption du Programme de Beijing, peuvent sembler encourageants.
Cette analyse qui a pour titre Les femmes au Parlement : 1995-2015 fait apparaître différents points positifs. Ainsi, le nombre de chambres uniques ou de chambres basses où les femmes occupent plus de 30 pour cent des sièges est passé de cinq à 42, et celles où elles occupent plus de 40 pour cent ont fait un véritable bond, passant de une à 13. On compte en outre désormais quatre chambres où les femmes sont plus de 50 pour cent et, une, au Rwanda, où elles sont plus de 60 pour cent.
Les résultats sont en outre plus semblables d’une région à l’autre. En 1995, les dix pays où les femmes étaient les plus représentées au Parlement étaient en grande majorités européens. Or, en 2015, quatre de ces 10 pays se trouvent en Afrique sub-saharienne, les Amériques et l’Europe venant ensuite avec trois pays chacune.
Seules la Finlande, les Seychelles et la Suède qui figuraient déjà dans le top 10 en 1995 y sont toujours en 2015, tandis que le Rwanda, Andorre et la Bolivie ont réalisé les progressions les plus notoires en matière de représentation des femmes au cours des 20 dernières années, avec des hausses de 59,5, 46,4 et 42,3 points respectivement. Enfin, le nombre de parlements ne comptant que des hommes est passé de 10 à cinq.
Pour l’UIP, ces progrès sont dus en bonne partie aux quotas électoraux qui ont été mis en place dans plus de 120 pays. Néanmoins, le ralentissement des progrès observé en 2014 pourrait être l’indication que l’effet rapidement visible des quotas a atteint son paroxysme et qu’il faut à présent miser sur des mesures complémentaires pour assurer l’accès des femmes à la vie politique.
Après des chiffres record en 2013, avec une augmentation de 1,5 point de la moyenne de femmes parmi les parlementaires, 2014 affiche une progression parmi les plus faibles. La proportion de femmes parlementaires n’a en effet progressé que de 0,3 point, pour passer de 21,8 à 22,1 pour cent en un an. Cette faible augmentation des moyennes mondiales tient en partie au recul enregistré par les femmes dans deux des six régions que compte la planète (à savoir l’Afrique et le Pacifique).
Pour le Secrétaire général de l’UIP, Martin Chungong, “Après l’optimisme et alors que l’on croyait en 2013 que la parité au Parlement pourrait être atteinte en l’espace d’une génération, l’absence de réels progrès en 2014 est un véritable revers”, ce à quoi il ajoute : “Ces chiffres viennent opportunément nous rappeler que les progrès ne sont pas acquis et que l’action et la volonté politiques ne doivent jamais faiblir si l’on veut remédier au déficit de femmes en politique. L’heure n’est pas à la complaisance.”
Le nombre de femmes parmi les parlementaires a effectivement à peine bougé en 2014, mais les résultats sont plus favorables en ce qui concerne les femmes à la tête des parlements. En effet, sur cette même période, le pourcentage de Présidentes de parlement a augmenté d’un point et atteint désormais 15,8 pour cent.
De même, avec un nombre croissant de parlements comptant plus de 30 pour cent de femmes, l’analyse de l’UIP montre également qu’ils sont de plus en plus nombreux à se fixer un objectif de 50 pour cent de femmes et qu’il convient donc de rechercher de nouveaux moyens et d’exploiter des potentiels jusqu’ici inutilisés pour atteindre la parité, notamment en amenant des femmes jeunes et des femmes venant de nouveaux horizons à la vie politique.
“Si 2014 n’a pas été à la hauteur des attentes suscitées après 2013, il ressort clairement des 20 dernières années que les femmes sont désormais des partenaires sur l’échiquier politique. Le tout est maintenant de s’assurer qu’elles puissent traiter à égalité avec les hommes dans l’exercice de la démocratie “, précise M. Chungong.
FAITS ET CHIFFRES REGIONAUX
Les Amériques en première place – C’est en effet dans cette région qu’ont eu lieu les progrès les plus importants, puisque les femmes parlementaires y sont passées de 12,7 pour cent en 1995 à 26,4 pour cent en 2015 – soit une augmentation de 13,7 points. Le continent américain affiche désormais la plus forte moyenne régionale de parlementaires femmes au monde.
En 1995, pas un pays dans la région ne comptait plus de 30 pour cent de femmes à la chambre basse ou à la chambre unique pour les parlements monocaméraux. En 2015, ils étaient neuf pays à y être parvenus et même mieux, puisque trois de ces pays comptent plus de 40 pour cent de femmes parmi leurs parlementaires et que l’un d’entre eux, la Bolivie, a même dépassé la barre des 50 pour cent, et compte actuellement 53,1 pour cent de femmes.
Les trois pays de la région au top 10 du classement mondial établi par l’UIP en 2015 sont : la Bolivie, Cuba et l’Equateur, les progressions les plus importantes concernant, là encore, la Bolivie, la Dominique, le Panama et la Colombie.
C’est l’Equateur qui a enregistré la plus forte progression en 20 ans, avec une représentation des femmes qui a augmenté de 37,1 points pour s’établir à 41,6 pour cent en 2015. La progression a été plus modeste aux Etats-Unis, où la proportion de femmes est passée de 10,9 pour cent en 1995 à 19,3 pour cent en 2015.
L’Afrique, une région prometteuse – L’Afrique sub-saharienne a enregistré certaines des percées les plus importantes de ces 20 dernières années, souvent dans des pays au sortir de conflits. La proportion de femmes au Parlement y a en effet augmenté de 12,45 points pour passer de 9,8 pour cent en 1995, à 22 pour cent en 2015. L’Afrique est désormais la troisième région où les femmes sont les plus représentées.
Comme aux Amériques, il n’y avait pas en Afrique un seul pays où la chambre basse ou la chambre unique du Parlement comptait plus de 30 pour cent de femmes en 1995. En 2015, ces pays sont au nombre de 12. Aujourd’hui, cinq pays comptent même plus de 40 pour cent de femmes parmi les parlementaires et un pays – le Rwanda – en compte 63,8 pour cent.
Alors que quatre pays d’Afrique sub-saharienne figurent au top 10 de l’UIP – Afrique du Sud, Rwanda, Sénégal et Seychelles – la moyenne régionale accuse néanmoins une baisse pour la première fois en neuf ans, puisqu’elle est en effet retombée à 22,2 pour cent après avoir atteint 22,5 pour cent en 2013. Le Malawi et Maurice ont en effet respectivement accusé des baisses de 4,5 et 7,2 points en 2014.
La région arabe, peut mieux faire – La région a fait de sérieux progrès en ce qui concerne les droits politiques des femmes au cours des 20 dernières années, les femmes ayant obtenu le droit de vote en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis, au Koweït, à Oman et au Qatar durant cette période, mais leur représentation dans la vie politique ne s’est pas améliorée en conséquence.
Ainsi, si la proportion de femmes parlementaires dans le monde arabe a progressé de 11,8 points entre 1995 et 2015, pour s’établir à 16,1 pour cent, la région e demeure malgré tout avant dernière en termes de femmes parlementaires en 2015.
En 1995, pas un pays arabe ne comptait plus de 30 pour cent de femmes au Parlement. En 2015, ils sont deux dans ce cas, l’Algérie avec 31,6 pour cent de femmes et la Tunisie avec 31,3 pour cent.
L’Asie au point mort – L’Asie qui se place en quatrième position avec 18,5 pour cent de femmes au Parlement a reculé dans les classements mondiaux depuis 1995, n’ayant pas réussi à avancer au même rythme que les autres régions dans ce domaine. Entre 1995 et 2015, la représentation des femmes y a augmenté d’à peine 5,3 points, pour passer de 13,2 à 18,5 pour cent.
En 1995, en Asie non plus il n’y avait pas de parlement où les femmes dépassaient les 30 pour cent. Aujourd’hui, c’est le cas au Timor-Leste, elles comptent pour 38,5 des parlementaires. Toutefois, le Népal et l’Afghanistan sont tout près, avec 29,5 et 27,7 pour cent de femmes respectivement. De son côté, Singapour a fait l’un des bonds les plus spectaculaires avec une augmentation de 21,6 points des femmes au Parlement. Enfin, en Mongolie et au Bhoutan les chiffres affichent des pics importants.
La plus forte augmentation de l’année est celle du Japon, où la proportion de femmes au Parlement est passée de 7,9 pour cent en 2012, à 9,5 pour cent en 2014. L’Inde a elle aussi enregistré des augmentations mineures dans les deux chambres, même si la proportion globale de femmes y demeure très faible.
L’Europe, progression stable – En 20 ans, l’Europe a progressé de 11,8 points, pour passer de 13,2 pour cent à 25 pour cent en 2015 et se classer deuxième, derrière les Amériques.
En 1995, cinq pays comptaient plus de 30 pour cent de femmes parmi les parlementaires et un en comptait plus de 40 pour cent. Depuis, l’Europe a enregistré une augmentation remarquable puisque 17 pays européens ont désormais plus de 30 pour cent de femmes au Parlement, que cinq en ont plus de 40 pour cent, et qu’un pays, Andorre, a même atteint la parité parfaite avec 50 pour cent de femmes.
La Finlande et la Suède figurent avec Andorre parmi les pays les mieux placés en Europe, la Suède ayant systématiquement élu plus de 40 pour cent de femmes au Parlement depuis 1994.
L’Islande qui était le seul pays nordique à compter moins de 30 pour cent de femmes en 1995 a fait des progrès notoires depuis avec une augmentation de 15,9 points depuis.
D’autres pays affichent des résultats remarquables : l’Espagne, la France, le Portugal et l’Italie, où l’augmentation du nombre de femmes parlementaires varie entre 15,9 et 25,1 points et, ce, grâce à l’instauration de quotas dans la législation.
Le seul pays d’Europe à compter moins de femmes parlementaires en 2015 qu’en 1995 est la Hongrie, où elles sont en recul de 1,3 point.
Si la moyenne est plus faible en Europe de l’Est qu’en Europe de l’Ouest, principalement en raison de l’impopularité des quotas qui sont perçus comme des vestiges des anciens régimes, les pays des Balkans font exception. La Slovénie, la Serbie et l’ex-République yougoslave de Macédoine comptent en effet toutes plus de 30 pour cent de femmes au Parlement grâce à l’adoption de quotas et la sous-région a d’ailleurs enregistré une des progressions les plus fortes parmi les pays d’Europe en 2014.
Le Pacifique, résistant au changement – En 2015, le Pacifique continue à afficher la moyenne de femmes au Parlement la plus faible au monde. Depuis 1995, cette région a néanmoins connu une progression de 9,4 points, pour une proportion globale de 15,7 pour cent aujourd’hui, mais ce mieux est essentiellement le fait des améliorations observées en Australie et en Nouvelle-Zélande.
En 1995, pas un pays dans la région ne comptait plus de 30 pour cent de femmes au Parlement. En 2015, un seul pays, la Nouvelle-Zélande, peut se targuer d’avoir franchi ce seuil, avec 31,4 pour cent de femmes à la chambre basse. La chambre basse australienne a enregistré la plus forte augmentation avec 8,8 pour cent en 1995 et 26,7 pour cent en 2015.
En 1995, sur les 12 Etats insulaires de la région, 10 ne comptaient au mieux qu’une femme parlementaire. En 2015, ils ne sont plus que huit dans ce cas, les quatre autres comptant au moins trois femmes parlementaires, y compris la Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui avait un parlement entièrement masculin en 1995.
Les Fidji sont celles qui affichent la plus forte proportion de femmes, avec 16 pour cent.
Enfin, si la Micronésie et les Palaos figurent sur la liste des pays dont les parlements n’avaient pas de femmes parlementaires en 1995 et n’en ont toujours pas en 2015, il y en a eu entre-temps aux Palaos et il y en a d’ailleurs encore à la chambre haute. La Micronésie, par contre, n’a jamais eu de femme parlementaire, et les Parlements des Tonga et du Vanuatu sont redevenus des institutions purement masculines en 2015.