Construire un réseau de radios communautaires dans le monde arabe

Photos: Nathalie Samuel/Ritimo e Bia Barbosa/Intervozes

C’est le projet présenté par Steve Buckley, de Comunity Media Solutions, lors du FMML (Forum Mondial des Médias Libres) qui se tient du 24 au 30 mars à Tunis, capitale de la Tunisie. Cet activiste anglais a articulé la construction d’un réseau régional de médias communautaires, en particulier de radios, dans tout le monde arabe.

Le projet s’inspire, selon lui, de médias indépendants qui ont joué un rôle décisif dans les révolutions en cours dans la région. Parmi eux, il a cité des radios communautaires comme Radio 6 FM en Tunisie et une autre radio située à Benghazi en Libye, ainsi que de nombreux projets gravitant autour de la Syrie. Selon Buckley, il existe une “grande dynamique pour le droit à la communication” dans ce pays où la population lutte depuis deux ans pour faire tomber le régime du dictateur Bachar Al Assad.
Le plan mené par l’activiste de la communication a porté ses fruits. “Nous avons commencé en 2011 avec des radios pilotes dans sept pays et aujourd’hui il y a déjà trois projets supplémentaires”. On trouve quatre d’entre eux en Syrie, dans des zones libérées par les révolutionnaires. “Les radios communautaires sont très importantes ici, étant donné la difficulté de communiquer par internet”. Aujourd’hui, si l’on fait le compte de tous ces médias en Libye, “créés après le début des révolutions”, on atteint la centaine, affirme Buckley. Dans l’ouest de ce pays où les masses ont fait tomber le dictateur Mouammar Kadhafi, une de ces radios émet dans un dialecte du tamazight – langue berbère interdite pendant les 42 ans de règne du tyran. En plus de constituer un espace d’expression pour cette ethnie et sa culture, la radio traite de questions d’ordres social et politique, a indiqué son représentant, présent au FMML. Le deuxième jour du Forum, au côté d’autres témoignages d’activistes de la région, sa présentation a été suivie d’applaudissements de solidarité. Le réseau compte aussi la Tunisie, la Jordanie, l’Égypte, le Yémen, le Maroc, l’Algérie, le Bahreïn et la Palestine occupée.

Dans cette dernière, on dénombre quatre projets, dont un dans un village proche de Al Khalil (Hébron). Dans cette ville de Cisjordanie, zone placée sous contrôle militaire israélien, des colonies sionistes sont construites sur des maisons et des commerces palestiniens. Les colons qui vivent ici dans l’illégalité jettent leurs déchets sur la tête des Arabes, qui disposent seulement d’une toile suspendue, posée par des ONG, pour s’en protéger.
Dans les différents pays de cette région, des défis restent à relever dans la lutte pour le droit à l’information et à la liberté d’expression. Buckley indique par exemple qu’en Tunisie, plus de deux ans après la chute de Ben Ali, l’impasse politique persiste. “Après les élections de 2011 [qui ont porté au pouvoir le parti islamiste Ennahda], trois lois importantes ont été présentées : une pour le droit d’accès à l’information, une autre pour la liberté de la presse et une, enfin, pour un système de régulation de la radiodiffusion indépendant. Seule la première commence à être appliquée”. En Égypte, bien que huit nouvelles chaînes de télévision aient vu le jour depuis la chute du dictateur Hosni Moubarak en février 2011, la société civile n’a toujours pas sa place dans ces médias, “occupés par les grandes entreprises”. Il est catégorique : “Nous devons continuer à nous mobiliser”.

Un autre média

Une affirmation corroborée par le blogueur tunisien Bessem Krifa. Emprisonné et torturé pendant la dictature de Ben Ali pour avoir tenté de lancer au monde entier un cri pour la “liberté politique”, il révèle son intention de former une association de blogueurs, “principalement des jeunes”, afin de fortifier la lutte pour la liberté d’expression. Un des points qu’il dénonce est que “pendant les élections de 2011, au pied de l’urne, on donnait de l’argent aux gens pour qu’ils votent [pour l’Ennahda]. Et ça, nous l’avons filmé”. Profitant de la pauvreté et des inégalités qui se propagent en Tunisie, cette manipulation a été orchestrée pour accéder au pouvoir, assure-t-il, en concluant : ‘”Le capitalisme est le gros problème. Qui sait, quand nous le vaincrons et que nous arriverons au socialisme, nous jouirons enfin de libertés démocratiques pleines et entières”.

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