La délégation du Conseil international des Forums sociaux mondiaux en solidarité avec le peuple de Tunisie

n

Membre du Conseil scientifique d’ATTAC France

Lors du dernier Conseil international -11 et 12 février-, à l’issue du forum social mondial tenu à Dakar, proposition a été faite d’une délégation[1] composée d’organisations membres de ce Conseil avec l’objectif de porter un message de soutien et de solidarité aux mouvements sociaux porteurs de la révolte pour le changement politique et social en Tunisie.

La mise en oeuvre de cette volonté commune a été rendue possible grâce au Forum social africain et au forum social tunisien.

Cette décision était plus que légitime puisque l’ensemble du Forum social mondial à Dakar a été «porté» par les vents révolutionnaires qui ont secoué la Tunisie et l’Egypte.

La problématique essentielle des FSM s’inscrit dans le combat permanent des peuples asservis, torturés et pillés contre ceux qui les aliènent, dès lors il était naturel de marquer et de soutenir le peuple tunisien qui s’est libéré du joug du dictateur légué par la colonisation et entretenu dans son statut par l’ensemble de la communauté internationale et des institutions internationales, entre autres le FMI.

Dakar a permis que la voix de l’Afrique, au sein du mouvement altermondialiste, soit perçue non plus dans une relation de dépendance à l’égard des Occidentaux mais soit le point de départ pour penser les relations Sud-Nord sur une co-construction et un réel partage. L’ Afrique a à dire au monde, le FSM de Dakar a ouvert cette voie, les révoltes des pays arabes sont venues confirmer la maturité politique des peuples qui luttent aussi bien pour leur dignité que pour une autre répartition des richesses. De l’ensemble du continent africain se fait entendre la volonté des peuples de revendiquer l’inclusion de tous et toutes dans des rapports égalitaires et démocratiques mais aussi de révoquer le discours portant sur la guerre de civilisation et de cesser d’une part, de considérer ce continent comme un continent perdu et d’autre part, de diaboliser l’Islam et les musulmans.

Il semble, au vu de ces mouvements visant à la désaliènation politique et sociale des peuples arabes, qu’il serait très intéressant pour le processus des fora sociaux mondiaux d’envisager que le forum social mondial de 2013 se tienne en Tunisie avec pour problématique centrale la relation entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne pour construire de nouvelles solidarités et penser de nouvelles formes de solidarité internationale.

Itinéraire et programme

1er avril, Tunis,

* local de l’UGTT, rencontre avec le forum social tunisien dont l’Union Générale des travailleurs tunisiens, Amnesty International Tunisie, l’Association des femmes démocrates, la «jeunesse militante pour la continuation de la révolution», la Ligue des droits de l’Homme Tunisie, la Ligue des auteurs libres et Union générale des Etudiants tunisiens, l’association tunisienne contre la torture
* Local de l’association El Taller, ONG internationale (voir le site http://www.eltaller.org), rencontre avec des jeunes engagés et impliqués dans le processus de revendications pour le changement

2 avril, Kasserine,

«Notre peuple qui est digne n’a pas eu ses droits »

Fethi, UGTT Tunis

* Place de la Mairie, discussion avec les jeunes diplômés en grève de la faim depuis le 29 mars
* local de l’UGTT, rencontre avec les familles des martyrs et des blessés

3 avril, Sidi Bouzid,

«Le peuple n’a rien eu»

avocat de Sidi Bouzid

* local de l’UGTT, rencontre avec le responsables des familles de tués et blessés, co mité de préservation de la révolution, UGTT,

Regueb

«Donner sa chair pour la révolution, c’est difficile mais ce qui est encore plus difficile, c’est que ceux qui ont tué ne sont toujours pas jugés»

responsable local de l’UGTT

* local de l’UGTT, rencontre avec les jeunes, l’UGTT

4 avril, Ras Jédir, 8 kilomètres de la frontière libyenne,

«Tous les peuples d’Afrique veulent la paix et la liberté»

réfugié somalien arrivé depuis 25 jours

«Les Européens ont gâté la Libye»

un réfugié sénégalais vivant en Libye depuis 26 ans

* camp de Choucha, rencontre avec les migrants, les militaires tunisiens en charge du camp, le porte-parole de l’UNHCR

Demandes du mouvement social tunisien

«Il est important que des militants du monde entier viennent pour nous encourager à contrer l’impérialisme toujours présent mais aussi les ennemis de la révolution tant internes qu’externes».

Au cours des rencontres d’autres demandes ont émergé, entre autres

* travailler à la mise en place de commissions d’enquête pour que les dossiers des jeunes assassinés ou blessés ne se soldent pas par un déni de justice, ce qui reviendrait à considérer

* mettre en place une réflexion pour les autres mécanismes possibles au cas où la justice tunisienne reste sourde aux appels des familles

* mener des campagnes, au niveau international, pour obtenir des différents gouvernements, particulièrement ceux des pays européens, et plus précisément des pays qui ont passé des accords bilatéraux avec la Tunisie, de négocier la suspension du remboursement des créances européennes -près de 410 millions à payer courant avril- et d’obtenir le gel des intérêts. Cette dette, puisqu’il s’agit de cela, doit être annulée pour ses aspects odieux -au regard du droit international-; en effet, elle a été contractée par un régime despotique et dictatorial, en vue de consolider son pouvoir, n’a pas été contractée dans l’intérêt du peuple, mais dans l’intérêt personnel des dirigeants et des personnes proches du pouvoir, par ailleurs les créanciers connaissaient pertinemment la destination odieuse des fonds prêtés. Dans l’immédiat, la Tunisie doit, en priorité, tout faire pour trouver des réponses à la crise sociale, économique et politique dans laquelle est plongé le pays, le règlement de cette dette odieuse doit être à tout le moins reporté mais surtout annulé, ainsi que cela a été fait en Equateur à la demande du peuple

* obtenir que les pays européens re négocient les accords bilatéraux concernant les migrants de façon à ce que les droits fondamentaux soient respectés

Position de l’UGTT

En tant que membre du haut Conseil, l’UGTT défend le processus de la révolution, en effet son action est d’agir pour la résorption du chômage, de parvenir à faire réintégrer ceux qui ont été licenciés pour leur participation au processus mais aussi préparer sur le terrain la prochaine bataille politique à propos des élections de la Constituante.

Par ailleurs, fidèle à ses engagements, si l’UGTT peut suggérer des noms de candidats, en aucun cas elle ne soutiendra un parti. La centrale, concernée par les valeurs républicaines, mènera aussi bataille pour que le contexte politique ne tombe ni dans l’obscurantisme ni dans l’intégrisme -que son expression soit ou de droite ou de gauche.

Parole libérée

«Nous sommes tous des Mohamed Bouazizi»

un jeune de Sidi Boouzid

Contexte précédant la révolte

«Cette révolution est le résultat de luttes commencées dans les années 60 qui ont repris, grâce aux mouvements de jeunes, des syndicats, dans les années 70, puis une fois encore dans les années 80. »

Fethi Ben Ali Dbek, coordinateur du département international de l’UGTT

Le constat est unanime, du nord est au sud ouest, en passant par le centre puis par le sud est, «le pays n’en pouvait plus d’être muselé », «des étudiants ont été harcelés, torturés et exilés alors qu’ils luttaient contre la dictature », sans oublier que «les nombreux programmes de développement ont exclu les femmes de leurs droits.

«La seule expérience qu’on nous a inculquée, c’est de nous taire» , Taoufik Omri, étudiant en grève de la faim depuis le 29 mars sur la place de la mairie de Kasserine. Il en est à sa cinquième grève, après sa maîtrise de Géographie -aménagement du territoire- obtenue en 2005, il n’a jamais trouvé de poste répondant à cette spécialité. A commencé un commerce de contrebande d’essence qui a brûlé en février 2009. Depuis il attend. Son «rêve est de travailler en Tunisie et surtout d’avoir le droit de travailler».

«La situation était à un tel point, il n’y avait plus aucun espoir, nous n’avions d’autre choix que de nous révolter, le pouvoir ne nous laissait aucune autre possibilité.

Ben Ali nous avait promis de rompre avec le système mis en place par Bourguiba. Il nous avait garanti le respect des droits de l’Homme, la modernité démocratique, le développement, mais ce n’était qu’un vaste mensonge. La pourriture rongeait le pays à tous les plans; l’économie était basée sur la prévarication, la dépendance et la mise en place d’un système maffieux à l’intérieur doublée d’un endettement extérieur exponentielle».

Un des représentants du Conseil de protection de la révolution, Sidi Bouzid

«Ce qui s’est passé n’est pas un accident de l’histoire, les Tunisiens ne veulent plus avec les peuples occidentaux d’un rapport de charité, ils n’ont plus confiance dans l’argent donné, ils veulent d’un rapport de qualité. Il est temps de leur faire confiance, ils sont capables de décider eux-mêmes de leur destin.

Nous sommes prêts à 365 jours de révolution jusqu’au changement.»

un jeune de Regueb

Elément fédérateur de la révolte

«Le peuple s’est soulevé au nom de la dignité politique et économique.»

Mohamed Shimi, UGTT, Tunis

«Les Tunisiens n’en pouvaient plus de Ben Ali et de sa clique, ils étaient devenus allergiques à tout ce qu’il représente, enfin on ne voit plus sa photo à la télévision, ouf! Dieu merci!

Salma Abassi, avocate à Kasserine

Attentes

Un des éléments décisifs sera celui des élections -24 juillet 2011- de l’assemblée de la Constituante, qui s’annonce difficile; c’est un défi énorme, elle devra non seulement nommer le président et le gouvernement mais aussi statuer sur la nature du nouveau régime tunisien ainsi que sur la question de la gestion et de l’aménagement du territoire.

«Cette assemblée sera la traduction de nos actions progressistes».

Responsable du secteur Education, UGTT, Tunis

«Il faut porter nos voix pour qu’elles soient entendues, je veux être entendu, ne nous oubliez pas »,

Thamer Bouzidi, 34 ans, cadre financier au Ministère des Finances, dont le frère, Raouf -25 ans- a été tué le 9 janvier par un snipper placé sur un toit du quartier Enno de Kasserine

«Il est important de lutter contre les discriminations dont sont victimes les femmes, il y a une réelle surféminisation de la pauvreté »,

Alima, association des femmes démocrates

«Ce processus de changement doit être l’occasion de restaurer le lien entre les étudiants et le reste du peuple mais aussi de renforcer la paix sociale et la parité entre les gens, et d’obtenir l’égalité entre les hommes et les femmes»

«C’est un mouvement historique qui peut et doit changer l’histoire du monde, l’avenir est dans les forces de gauche et dans la construction d’alternatives portés par les mouvements sociaux»

«Nous voulons une répartition égalitaire des richesses et l’égalité. Il est temps que notre région ne soit plus ignorée, il y a des richesses dans le sol, du marbre, du pétrole, nous fabriquons de la cellulose etc…

Salma Abassi, Kasserine

«Depuis la révolution, à Kasserine, rien n’a changé, le gouvernement prétend que nous sommes des gauchistes, c’est pour cela qu’elle continue. Par ailleurs, aucune politique n’a encore été identifiée pour permettre à la population de régler ses problèmes»

Fethi, UGTT

En ce sens, nous menons au sein de Raid Attac Tunisie, une campagne nationale et internationale pour l’annulation de la dette odieuse de Ben Ali, pour rompre avec la politique néolibérale et faire en sorte que la Tunisie soit souveraine, sociale et démocratique.»

Dangers face auxquels se trouve le processus de transformation sociale et politique

«Le passage de la dictature à la démocratie est difficile, Certes on peut continuer à protester et à manifester mais il faut faire attention à la transition et surtout ne pas oublier les valeurs pour lesquelles la révolution a eu lieu, si elles sont oubliées, on va vers l’échec»

Mohamed Schimi, UGTT, Tunis

«L’impérialisme est encore là dans ses aspects sauvages, pour certains étudiants, des poches de dictature sont toujours présentes, la réelle transition sociale n’a pas encore eu lieu»

un représentant de l’Union générale des Etudiants en Tunisie, Tunis

Pour l’association des femmes démocrates, «le processus de changement est face à de graves menaces car pour l’instant les partis et les forces politiques ne discutent que du politique alors que pour la population la question économique est essentielle, par ailleurs, il faut barrer la route aux fanatiques de tout bord,»

«Les changements tardent à venir ainsi «la télévision, aussi bien sur le canal 1 et le 2, n’a pas encore changé et n’est toujours pas neutre.»

Salma Abassi, Kasserine

«Le gouvernement, formé avec des gens sortis des archives, n’a même pas été décidé par consensus et ne donne aucun signe pour le respect des libertés publiques et privées. Pire, il n’est pas intéressé par la question de la démocratie et de la participation politique des citoyens. Il constitue un réel danger car ces personnes sont mobilisées pour faire avorter toute alternative et pour délégitimer la révolution partie de Sidi Bouzid»

un avocat de Sidi Bouzid

«Il faut bien que le gouvernement comprenne que ceux qui ont fait cette révolution sont prêts à se battre si leurs demandes ne sont pas satisfaites car la notion de martyr pour la dignité, nous l’avons apprise de nos anciens, de nos parents. C’est notre fierté.»

un représentant des jeunes de Sidi Bouzid

Mais «nous combattrons tous ceux qui vont se mettre en travers du chemin de la transformation»

représentant de l’Union générale des étudiants tunisiens

«Il faut faire très attention car la révolution est en train d’être volée car des gens, qui n’ont aucun lien avec elle, sont dans le gouvernement, c’est la raison pour laquelle il faut continuer»

responsable local de l’UGTT, Regueb

Le gouvernement actuel a permis la création du Haut Conseil pour la préservation et la sauvegarde de la révolution et de la transition démocratique; il -en fait le Premier Ministre- en a nommé le président, Iadh Ben Achour ainsi que les 161 membres choisis parmi

* des politiques
* des syndicalistes, dont l’UGTT
* des membres d’organisations ou d’associations
* des personnalités
* un représentant du comité de sauvegarde de la révolution de chaque région

Des difficultés importantes existent entre ce Haut conseil et le gouvernement qui a en son sein des membres proches de l’équipe Ben Ali mais aussi parce que le Conseil veut statuer sur des questions politiques, ce que le gouvernement refuse et particulièrement le Premier Ministre à qui le Conseil reproche son manque de culture démocratique à l’instar de Bourguiba.

Dès lors, le gouvernement tente de réduire l’action du Haut Conseil à quelques questions politiques à condition qu’elles n’aient aucune influence sur les réalités sociales du peuple. Il est clair que le gouvernement pour résoudre cette contradiction joue de son influence et la carte de l’autoritarisme, par exemple en nommant, sans en informer le Haut Conseil, le ministre de l’Intérieur.

Mais des difficultés sont aussi à noter parmi les membres de ce Conseil; certains trouvent les revendications des Tunisiens irréalistes eu égard au contexte de la transition; d’autres insistent pour que soient résolues prioritairement les questions sociales et la question de la justice.

En l’état, il semblerait raisonnable que ce Haut Conseil tente de dénouer les tensions internes de façon à se centrer sur le code électoral, la refonte de la Constitution et l’ensemble des questions posées par la place de la religion sans oublier les questions essentielles pour les Tunisiens: travail, santé, éducation, justice, de façon à permettre l’élection de l’Assemblée constituante dans les meilleures conditions.

Un défi à hauteur de l’enjeu fixé par les Tunisiens qui se sont soulevés contre l’obscurantisme de la dictature: vivre dans une démocratie pensée et construite avec l’ensemble des Tunisiens et répondant à leur aspiration d’une Tunisie émancipée, libre et indépendante des velléités économiques, financières et militaires des pays occidentaux. La route est encore longue…

Tunis, «Nous, la jeunesse tunisienne, sommes les principales victimes du système: nous sommes les plus touchés par le chômage, la pauvreté et les défaillances du système éducatif.

Et c’est nous qui avons rendu possible cette révolution grâce à notre lutte dans le monde virtuel ainsi que sur le terrain.

Pourquoi? Nous sommes de nature moins conservateurs et donc plus enclins au changement et à la révolution.

Nous, qui avons donné naissance à la révolution, et qui avons été maintenus à l’écart de la scène politique, sommes jusqu’à ce jour en train de lutter pour que la révolution aboutisse à une Tunisie meilleure, qui rompe sur les plans politique mais aussi économique et social avec celle que nous avons connue jusqu’au 14 janvier. Car même si le dictateur à été chassé, les outils de domination impérialiste n’ont pas été démantelés.»

Azza Chamkhi, jeune étudiante, 22 ans

Kasserine, ville sinistrée, oubliée, maltraitée, 500 000 habitants, 13 500 chômeurs diplômés

«Le travail, la justice…manquent à Kasserine, il faut aussi admettre que rien n’a changé dans la situation des habitants, mais ce qui ne manque pas c’est la dignité. Notre peuple est digne et n’est pas anarchiste contrairement à ce que laisse entendre le nouveau gouvernement , mais il n’a toujours pas eu ses droits »

Fathi, UGTT

Sur la place de la mairie de nombreux jeunes diplômés ont entamé la cinquième grève de la faim depuis le 29 janvier 2010 pour demander leurs droits au travail. 25 jeunes sans espoir, prêts à perdre leur vie pour un travail. 4 d’entre eux ont dû être hospitalisés; dès leur sortie, ils ont repris leur place sur les matelas étalés sous des tentes dont une a été donnée par le gouvernement pour gage de soutien. Mais pour la plupart des habitants de cette ville, le gouverneur doit partir. N’a t il pas affirmé, face à la population qui demande de voir la question de l’emploi réglée, à tout le moins d’être prise en considération, «je ne suis pas un politique, je suis un soldat»?

A l’heure actuelle, ce gouverneur, les forces de police, le sous-préfet usent des mêmes habitudes et des mêmes symboles que l’ancien gouvernement.

Sur des fils entourant les tentes où ils sont installés, leurs diplômes sont suspendus volant et se déchirant au vent comme autant de vies abîmées:

* architecture depuis 2002,
* économie,
* économie et gestion,
* HEC,
* commerce international,
* droit commercial….

«La richesse tunisienne n’est pas répartie équitablement, il y en a qui crève de faim alors que certains, par corruption, s’enrichissent avec l’aide destinée aux familles»

Ines Rtibi, 25 ans, étudiante en informatique/gestion, Kasserine

«Kasserine, ville martyre mais elle sera bientôt ville du monde»

Fathi, UGTT

La première manifestation, le jour même de l’immolation de Mohamed Bouazizi, a eu lieu le 17 décembre 2010.

De jour en jour, le mouvement a grandi, gonflé jusqu’à arriver au 8 janvier 2011, appelé «lundi noir», où la police a tiré sur les jeunes manifestants, en blessant et en en tuant un grand nombre.

3 jours d’émeute où les manifestants ont été tués par des snippers postés sur les toits de certains quartiers.

Le 9 janvier,

1. Afef Idoudi, 20 ans, qui suivait une formation en électricité du bâtiment, a été blessé par une arme à feu

1. Issa Ben Amara Gribi, 28 ans , est mort d’une balle reçue dans l’occipital inférieur gauche.

Son père avec douleur, accepte d’avoir donné son fils mais veut que les responsables de cette mort soient jugés et punis. «Sans cela, mon fils serait mort pour rien, après cela mon pays doit devenir libre corps et âme».

1. Raouf Bouzidi, 25 ans, tué par un snipper dans le quartier Enno alors qu’il cherchait à porter assistance à un de ses amis lui-même touché au rein. Une balle en plein coeur l’a arrêté net. Il est mort en arrivant à l’hôpital de Kasserine.

D’après les témoins présents, les snippers étaient vêtus de l’uniforme des BOB -forces anti manifestation. Parmi ceux-ci, des femmes chantaient et riaient dès qu’elles avaient atteint «une cible». D’après les jeunes blessés, il est facile de savoir quel est ce groupe, venu de Tunis, qui a accompli ces crimes, avec l’aval du régime Ben Ali. Jusqu’à ce jour, aucune enquête n’a été diligentée.

Il faut souligner que la plupart des personnes tuées ou blessées l’ont été sans sommation et sans jet préalable de gaz lacrymogènes.

Pour l’essentiel, les impacts de balle se situent dans la partie supérieure du corps. «Les snippers étaient bien venus avec l’intention de terroriser et de tuer.

Nous voulons une enquête indépendante sans attendre, comme nous le demande le juge, que le climat de Kasserine se stabilise.»

Thamer Bouzidi

Un jeune blessé par balle tirée par un snipper demande que celui qui l’a blessé soit jugé et mis en prison.

Tout comme cette mère qui a perdu son fils et réclame que ceux qui l’ont assassiné soient jugés. «Il ne faut pas que le gouvernement pense que nous allons nous satisfaire de l’enregistrement de la plainte, nous voulons nos droits.

Il y a des changements, si nous avions tenu une telle réunion sous Ben Ali, nous aurions été menacés, jugés et punis sévèrement, mais là ils ont assassiné nos fils, les ont réprimés, encerclés avec l’envie d’anéantir le peuple, alors oui, maintenant nous voulons être libres et dignes dans ce pays.»

A la sortie de cette rencontre, une femme interpelle la délégation. Elle veut que nous l’accompagnions à l’hôpital de Kasserine décrit par Ines Rtibi «comme une morgue et non comme un centre de soins, tout le matériel qui devait y être livré est resté à Tunis.»

Mère de 6 enfants, elle travaille comme femme de ménage. Suite à l’arrestation de son fils, Kaes Najdaoui -31 ans-, elle s’est précipitée au commissariat de police pour demander des explications. Reçue par le commissaire, Nabil Aijni., celui-ci s’énerve, le ton monte, il se lève et la frappe violemment. Une semaine après, elle a encore un énorme hématome qui s’est peu résorbé et une plaie ouverte au niveau de la cheville qui peine à cicatriser.

Son fils a été arrêté sur de faux témoignages et accusé d’avoir participé à l’incendie d’un commissariat de police. Il est menacé de 20 ans de prison. Ayant subi des pressions, il a refusé de donner des noms. Malgré les vices de forme constatés par le juge, il est toujours maintenu en détention provisoire.

Son frère aîné, Rida Najdaoui -33 ans-, à la suite de l’agression subie par sa mère et de l’accusation non fondée à l’encontre de son frère, s’est immolé par le feu. Il gît sur un lit dans une chambre surpeuplée, sans aucune précaution de stérilisation, alors que son visage, ses mains, ses avant bras sont brûlés au troisième degré. Sa femme, enceinte de 6 mois, le veille.

«Sidi Bouzid, ville du centre, mal traitée pendant plus de 43 ans.»

«L’ancien régime n’a jamais rien fait, si ce n’est organiser un sous développement structurel à tous les niveaux, à commencer par l’éducation et la santé -1 femme sur 10 risque sa mort au moment de la naissance de son enfant.

Sidi Bouzid, ville du cri de Mohamed Bouaziz pour la révolution de la dignité

Il n’a jamais été écouté, y compris par le gouverneur, il a toujours essayé d’arracher son pain avec dignité».

Un avocat de Sidi Bouzid

«A la suite de l’immolation de Mohamed Bouazizi, plus de 200 personnes se sont regroupées devant le siège du gouvernorat; face à elles plus de 4 000 forces de police ont été déployées.

D’autres villes, par solidarité, se sont jointes au mouvement, ceci s’explique par le fait que depuis un certain temps il y avait une situation pré révolutionnaire à cause essentiellement de l’oppression et de l’injustice subies par cette région . «La dignité était violée, dès lors elle touche tous les citoyens. Il s’agit de l’affaire de tous, mais pas seulement des Tunisiens… à la suite de l’horrible mort de M.B., il y a eu un phénomène libérateur».

un avocat de Sidi Bouziz

Mohamed Bouazizi. a été admis dans un hôpital local qui n’a pu, faute de moyens, lui prodiguer les soins nécessaires. Des syndicalistes ont demandé son transfert à Sfax, mais il était trop tard.

Il est intéressant de signaler que pour éviter la confrontation violente avec la police, les jeunes ont changé de tactique en créant des zones de tension dans différents points de la ville. Il fallait que la révolte devienne mobile.

A partir de la fuite de Ben Ali, la lutte a continué, une grève générale, des sit in -l’un d’entre eux a d’ailleurs été interdit par la force- ont été organisés.

Pourtant sur le plan de la vie quotidienne, rien n’a changé pour les habitants:

* le gouvernement actuel n’a aucune légitimité,
* aucune des revendications n’a été satisfaite,
* la sécurité reste un problème, les agents de la police politique sont toujours en action

«Nous attendons toujours le moment d’obtenir justice pour les morts et les blessés.

Mon fils de 20 ans, étudiant en électronique, a été blessé par une balle qui lui a fracturé le fémur. Nous nous trouvons devant de graves difficultés financières pour le soigner, ainsi que toutes les autres familles dont des enfants ont été blessés. Pourquoi leur avoir tiré dessus alors que leur arme n’était que la communication par Internet?

Ces jeunes ont droit et besoin de considération pour avoir permis la révolution.

Comment poursuivre les responsables pour obtenir la justice?»

le père d’un jeune blessé

«Notre fierté n’est pas dans l’argent pour acheter notre silence, mais dans le travail que les organisations, les associations et les avocats ont fait pour augmenter le niveau de conscience et celui pour la promotion des droits. En effet, Sidi Bouzid est la seule ville où il n’y a pas eu de pillage et de violence gratuite.

Nous n’attendons pas d’argent pour les victimes, nous attendons que Sidi Bouzid devienne une réelle région développée avec une infrastructure nouvelle.

Ce n’est qu’à ce prix que les martyrs de Sidi Bouzid auront servi.»

un représentant du groupe des jeunes de Sidi Bouzid

Regueb, «bienvenue sur la terre des gens libres»

inscription peinte sur le flanc d’une colline à l’approche de Regueb

«Comment vivre dans un pays de 11 millions d’habitants avec 132 000 policiers, sans compter tous ceux que l’on ne connaît pas?

Cette révolution ne nous appartient pas, elle est celle de la liberté et de la dignité, à ce titre, elle concerne le monde entier.

Regueb n’a pas d’économie mais cette ville a du coeur et le sens de la liberté .

Les 5 martyrs de Regueb sont les martyrs de toute la Tunisie.»

responsable local de l’UGTT, Regueb

Ras Jédir, camp de Choucha

«Tous les peuples d’Afrique veulent la paix et la liberté»

un jeune Somalien

La gestion est assurée conjointement par

* l’armée tunisienne qui assure la distribution de nourriture et la gestion des problèmes de santé
* la protection civile tunisienne,
* des pompiers tunisiens,
* une antenne du Ministère de la femme
* le UNHCR qui doit faciliter le départ des réfugiés, y compris en trouvant des solutions individuelles et en veillant à ce que leur protection soit assurée
* la Croix rouge internationale,
* l’OIM assurant l’accueil et la recherche de moyens matériels et financiers pour que les réfugiés soient rapatriés dans leur pays
* le Croissant rouge tunisien
* des organisations dont Médecins sans frontières, Action contre la faim…

Ce camp, établi dès le 21 février, se situe à 8 kilomètres de la frontière libyenne. Dans les premiers jours ont été accueillis entre 4 000 et 6 000 réfugiés égyptiens. Puis pendant un moment, le flot s’est stabilisé entre 1 000-1 500 arrivées par jour. Très rapidement l’organisation s’est mise en place: 9 jours après les premières arrivées, des tentes ont été installées, le peuple de Tunisie a été d’une grande générosité et a acheminé, par camions entiers, des tonnes de nourriture et de l’aide de toute sorte.

En ce qui concerne les réfugiés libyens, ceux-ci ne transitent pas par ce camp et passent la frontière sans aucune difficulté et se dirigent vers Tunis ou Zarzis, ainsi qu’ils le faisaient habituellement.

Il faut noter que c’est la première fois que la Tunisie est confrontée à un tel afflux de migrants; elle considère de sa responsabilité de les accueillir dans les meilleures conditions.

Lors d’une seconde vague, sont arrivés des Nigériens -44 sont en attente de départ depuis un mois-, des Somaliens, des Sénégalais -4 sont encore là, un avion a déjà été affrété par le gouvernement sénégalais permettant le retour de nombre d’entre eux- , des Pakistanais, des Népalais et des Bangladeshis -700 sont arrivés depuis 25 jours-, des Turcs, des Coréens et des Chinois. ..

A l’heure actuelle, dans ce camp sont accueillies

* 8 700 personnes dont

◦ 600 familles

◦ 180 enfants

◦ représentant 33 nationalités

A ce jour, le flux quotidien a considérablement diminué, les réfugiés arrivant essentiellement le soir par vague de 100.

En même temps que ce camp, 3 autres ont été installés:

* un géré par les Emirats arabes et destiné aux familles -1 700 personnes-,
* un pour les célibataires,
* le dernier assurant l’accueil temporaire avant le dispatching des arrivants dans les autres camps.

Ces 4 camps ont une possibilité d’accueil de 50 000 personnes.

Il n’en demeure pas moins que c’est un grand centre de rétention à ciel ouvert. Les arrivants, dès leur arrivée, sont dépossédés de tous leurs papiers.

Le pire pour les réfugiés est l’attente, certains sont là depuis 25 jours -voire plus- et ne pensent pas pouvoir en partir. Ils ont fui leur pays à cause des violences ou de la guerre, ainsi des Somaliens et des Erythréens et se retrouvent, pour l’heure, démunis de tout, bloqués dans une zone désertique où la température au mois d’avril avoisine les 34 degrés, sans aucune autre occupation que d’attendre une hypothétique destination!

Un jeune Somalien, 23 ans, a payé 5 000 $ pour fuir la guerre; il lui a fallu 5 ans pour arriver en Libye où il a travaillé en tant qu’électricien. Même si sa vie était difficile car il était confronté à la violence du racisme, il préférait vivre là que de retourner dans son pays.

Un jeune homme originaire de Somalie, qui a mis 3 mois pour parcourir ce long chemin à pied, assure que si dans son pays, «il y a la paix, je rentre. Nous aussi nous aimons la vie libre; après l’Indépendance, nous étions pleins d’espoir et il n’y avait pas de migrants».

Un groupe de jeunes Nigériens brandit le drapeau national, ils veulent rentrer mais sont financièrement démunis, l’ambassadeur de leur pays n’est pas encore venu. Ils se sentent abandonnés et ne savent comment retourner chez eux….Ils nous demandent de parler en Europe de leur situation et surtout de ne pas les oublier.

Pour l’UNHCR, le problème est le devenir de tous les réfugiés qui ne peuvent retourner dans leur pays, la Tunisie n’a pas la capacité à absorber toute cette immigration; pour les autres, il s’agit plus d’une opération d’évacuation.

Des tensions existent entre ceux qui ne font que transiter et ceux qui ne peuvent encore partir….

Aussi bien l’UNHCR que l’OMI manquent de fonds pour faciliter les départs ou tout simplement pour favoriser le rapprochement familial mère/enfant.

La politique européenne à l’égard des migrants est fortement critiquée, mais plus particulièrement celles de la France et de l’Italie qui sont perçues comme des politiques racistes et xénophobes.

L’attitude et le rôle de l’Europe est aussi dénoncée dans la gestion du conflit en Libye.

«Les Français n’ont rien compris et ne veulent pas savoir que Kadhafi garde les gens en paix en Libye; cela fait 26 ans que j’y travaille comme interprète. J’y ai même créé l’Association internationale de lutte contre l’immigration illégale! Je vivais bien. Je suis là depuis 24 heures et devrais partir dès demain pour le Sénégal mais j’espère pouvoir revenir rapidement.»

Abddoulaye Cherif, Sénégalais d’une quarantaine d’années

La délégation

Cette délégation, -comptant 34 personnes- composée de syndicalistes, associatifs, responsables d’organisation et de journalistes, se répartit ainsi
Algérie/Espagne: 1

Belgique: 1

Brésil: 2

Côte d’Ivoire: 1

Finlande: 1

France: 3
Grande Bretagne: 1

Grèce: 2

Italie! 11

Maroc; 2

Sénégal: 5

Tunisie 4

Avril 2011

Deixe uma resposta

O seu endereço de e-mail não será publicado. Campos obrigatórios são marcados com *